Pendant 2 mois, ils subirent sévices,
brimades puis furent transférés à Coudrecieux (Manche),
Mulsanne (Sarthe), Montreuil-Bellay, Jargeau puis Angoulême, avant
d'être libérés en 1946!
Pendant la soirée, animé
par Pierre Fenard, réalisateur des Bistrots de l'Histoire, assisté
de Cécile Verdin, psychanalyste, la parole sera donnée
à des descendants d'internés qui s'exprimeront sur cette
période que chacun s'était, jusque là, attaché
à oublier. Poleth Wadbled, sociologue spécialisée
dans l'internement et Marie-Christine Hubert, historienne et co-auteur
de l'ouvrage "Les Tziganes en France, un sort à part 1939-1946",
seront présentes sur le plateau afin d'apporter leur éclairage
scientifique sur la question. Deux films seront diffusés pendant
la soirée, celui de Raphaël Pilloso "Des Français
sans histoire" et des extraits de celui d'Isabelle Rettig sur les
internés de Coray.
La musique, partie intégrante
de la culture tzigane, sera omniprésente pendant toute la soirée,
interprétée par Jean Ferret et Dady Ferdoil, oncle et
neveu. Cette soirée sera précédée d'une
cérémonie organisée par la mairie de Plénée-Jugon,
à la mémoire des Tziganes internés, pendant laquelle
une stèle sera dévoilée, rue de la République.
le programme en pdf
MONIQUE NOUVEAU TEMOIN AU BISTROT
INTERNEMENT TZIGANES 194O A PLENEE JUGON Autorise l'association
des bistrots de vie du pays briochin à diffuser son texte sur
le site internet bistrots de l'histoire.com qui fut diffusé en
enregistrement sonore entrecoupé de séquences guitares
.en direct . .
Mon grandpère Charles
et ma grandmère Alphonsine ont été internés
fin octobre 1940 au camp de Plénéé Jugon, avec
leurs 2 enfants : Albert et Rachelle ; Rachelle, ma mère, a eu
4 ans dans ce 1er camp.
Ma famille a été transférée avec la roulotte,
au camp de la Pierre à Coudrecieux dans la Sarthe, le 20 novembre
1940.
Peut-être est-ce de ce camp que Charles et Albert avaient essayé
de sévader, ils racontaient : une nuit dans une barque
sur un étang, ils avaient chié dans leur froc tellement
ils avaient peur dêtre attrapé,cétaient
pourtant pas des trouillards ces deux-là
mais ils avaient
été repris.
On retrouve trace du mariage civil de mes grands-parents à Coudrecieux,
le 26 août1941, sans doute pour garantir légalement lunité
de leur famille.
Le « petit frère Charles » est né au camp
de Coudrecieux le 21 décembre 1941. Puis domicilié au
camp de Montreuil Bellay, il est mort à lHôtel Dieu
dAngers le 18 décembre 1943. Ma mère racontait quil
pleurait toujours et avait des « crises » et que les «
allemands » ? pour le calmer lui mettaient la tête dans
une bassine deau et quà force il en était
mort. Comment interpréter ces souvenirs ?
Et consoler ce
chagrin. Pauvre petit Jésus sans gloire
.
Puis nous avons retrouvé trace du mariage religieux de mes grands-parents
à la chapelle du camp des nomades de Montreuil Bellay le 25 février
1944.
Peut-être est-ce de ce camp que ma mère avait le plus de
souvenirs :
-dans les camps, les femmes étaient embauchées pour éplucher
les légumes, elles essayaient de faire les plus grosses épluchures
possibles car elles avaient le droit de les ramener avec elles pour
les cuire à leurs enfants.
-en hiver, ils essayaient de se protéger les pieds du froid en
les emballant dans du papier journal et des vieux « pillous ».
-ma mère racontait aussi quun jour dans le camp (sans doute
à Montreuil ?) tout le monde sétait mis à
courir, une femme sétait jetée sur elle, il y avait
eu un bombardement. Quand ça avait été fini, elle
sest dégagée, la femme sur elle était morte
et lavait sauvée du bombardement. Est-ce que ce souvenir
correspond à des faits historiques ? Quand cela se passait-il
? Peut-on retrouver le nom de cette femme, de sa famille pour leur témoigner
de notre gratitude davoir ainsi protégé notre maman,
alors toute petite fille.
Puis notre famille a été transférée de Montreuil
Bellay au camp des Alliers à Angoulême, le 17 janvier 1945.
Cest dans ce camp quest née leur dernier enfant,
ma tante « Tata », le 1er mai 1945. Elle est la dernière
représentante vivante de la génération de ma mère.
Tata est née prématurément, ma mère se souvient
quelle la voyait dans une bulle.
Ma mère était soulagée que sa petite sur
navait pas encore de cheveux comme ça elle ne souffrait
pas avec les poux. Il y en avait tellement dans la chevelure de ma mère
que quand ma grandmère y regardait, elle criait : on voit
tes os, on voit tes os du crâne !
Ils sont sortis des camps vraisemblablement au printemps-été
1946, un an après la fin des hostilités.
Internés pour cause de nomadisme et trimballés dans 4
ou 5 camps de louest de la France, voilà ce que fut lenfance
de ma petite maman de ses 4 ans à ses 9 ans et demi.
Au nom de quoi on a le droit de faire ça ?
La défense de la patrie ?
Et combien de temps faudra til attendre encore pour que les souffrances
des nôtres soient reconnues au même titre que celles infligées
aux victimes de la guerre et de la barbarie humaine ?
Y aurait-il des souffrances plus dignes de respect que dautres
?
Quand ils sont sortis des camps, ils navaient plus rien, étaient
dans un état lamentable, ma grandmère tirait une
petite carriole de rémouleur, bien souvent malmenée par
mon grand père devenu violent. Ils dormaient dans des granges
et des fossés.
Puis ma famille fut momentanément sédentarisée
par les services sociaux à Dinard, dans une maison à étages,
un hôtel ? Ma mère fut défenestrée du 1er
étage par mon grand père. Suite à ça, ma
mère et Tata ont été retirées de leurs parents,
ma mère avait 12 ans et Tata 3 ans, elles ont été
placées à Plancoët chez les « bonnes surs
» qui ont rebaptisé ma mère Geneviève, ma
grandmère ne pouvant fournir par des papiers les preuves
de son baptême catholique.
Un deuxième internement commençait, pour leur sécurité
matérielle, cest vrai. Mais les religieuses ont établi
lintégration sociale et culturelle de ma mère et
de ma tante en leur inculquant la honte de leurs origines. Ma mère,
ça la rendait plutôt enragée : tas du en baver,
ma pauv maman.
Au pensionnat, les parents des enfants étaient reçus au
parloir. Mais pas mes grands parents pour qui on sortait un banc dehors
et on appelait : « les ptites bohémiennes, venez,
vos parents sont là. On leur faisait honte.
Quand il y avait des sorties scolaires ou les vacances à St Jacut
de la mer, dès que les filles du pensionnat voyaient des bohémiens,
elles appelaient ma mère et ma tante pour leur faire honte, alors,
elles, elles essayaient de se cacher dans les rangs pour se protéger
de cette honte, pas pour renier leurs parents à qui elles continuaient
dêtre attachées.
Ma mère disait toujours que quand leur mère venait les
voir, elle était saoule et elle pleurait « mes enfants,
cétait ma seule richesse et on me les a pris ». Moi,
jestime quon nous a volé une partie de nos racines.
Nous navons pas connu nos grands parents maternels, ni jamais
vu de photo deux. Jaimerais tant connaître le visage
de ma ptite grandmère Alphonsine et le grand Charles,
un bel homme, il paraît, toujours bien mis, en dehors de lalcool.
Je les honore parce quils ont réussi à rester en
vie malgré tous leurs malheurs.
A 18 ans, ma mère a été placée comme «
bonne » chez des bourgeois de St Brieuc. Au bal du samedi soir,
elle a rencontré mon père, nordiste, en formation AFPA
à Langueux. Coup de foudre et belle histoire damour. Pour
mon père, Rachelle-Geneviève est devenue Ginou, petit
diminutif affectueux que lui avait donné mon père.
Nouveau départ pour le nord de la France avec lespoir dune
« belle famille » respectable qui ladopterait .Mon
père et ma mère ont fondé une famille cocon où
ma mère a connu un grand bonheur, je le crois sincèrement,
avec mon père et nous trois, leurs filles, pendant 15 ans, jusquà
ce que les oiseaux commencent à quitter le nid.
Quand jai eu 18 ans, jai pris mon sac à dos, mes
chaussures de marche et mon pouce pour le stop et la route et laventure.
Pour ma mère, ça a été le début du
naufrage, les fantômes du passé sont revenus, dépression
profonde et crises « dabsences » ?
Elle sest suicidée le 25 avril 1983.
Quand ma tante, Tata raconte des souvenirs de sa jeunesse, ses yeux
coulent librement comme des fontaines publiques : je nen reviens
pas encore quavec les vies quon a eues, on sen est
sorti, on a réussi. A chaque fois que jy pense, jen
reviens pas ! dit-elle.
Moi aussi, je ressens ça pour ma propre vie, alors que je nai
pas vécu tous leurs malheurs.
Jai longtemps cru que cétait normal quon ait
une vie difficile, quon soit une famille de « maboulles
» comme dit ma sur aînée Bernadette et que
cétait de notre faute quon soit comme ça.
Je pensais : les autres, ils réussissent parce quils viennent
de familles normales, bien établies, nous on est comme personne,
ni comme les gadgés , ni comme les bohémiens, on ne peut
être que rejetés de tout le monde. Même dans ma propre
famille, je ne me sentais pas comme les autres. Il ny a que récemment
depuis environ un an que jai commencé à parler de
tout ça avec ma sur Bernadette, et que jai commencé
à comprendre que ce qui était anormal cétait
ce quon avait fait vivre à ma mère et à ma
famille.
Il a fallu que nous atteignions la cinquantaine, Bernadette et moi,
pour prendre conscience combien tout cela nous habitait depuis toujours
et nous appartenait en héritage. Et en commençant à
gratter les souvenirs, nous rendre compte que tout sétait
cristallisé sur cette période dinternement de notre
mère entre ses 4 et 9 ans1/2 : une souffrance à létat
pur, de mort physique et psychique que nous avons portée jusquà
présent sans en avoir vraiment conscience
En nous donnant la parole, le bistrot de lhistoire nous aide à
transformer la situation : de porte-souffrance en porte-parole.
Ma sur Bernadette souhaite demander réparation à
lEtat Français pour les années dinternement
endurées par notre mère. Puisse cette soirée être
le démarrage de cette démarche.
En partage avec cette assemblée ce soir, du pire je ne veux garder
que le meilleur : la vitalité, lintuition, lhumanité
et la générosité que nous avons connu en notre
mère.
Et la joie de vivre, envers et contre tout. « Je veux repartir
comme un chant qui sobstine » Lannebert le 11 octobre 2010
Réaction suite au bistrot...
" le bistrot de l'histoire du
12 novembre sur l'internement des tziganes à Plenée jugon
était vraiment très très bien
les témoignages supers.......ça prenait aux tripes.......un
moment d'une grande émotion
et les musiciens....quel plaisir ......pour les oreilles mais aussi
pour les yeux de voir la façon avec laquelle ils maîtrisent
ça ......c'était vraiment génial......je n'ai pas
osé aller leur dire tout ça mais il faudra le leur transmettre.....un
très beau moment "
Servane
...
" Le témoignage qui m'a
"fait craqué"...celui de cette Dame, en enregistrement
sonore uniquement, et qui de temps en temps, au milieu d'une phrase,
se mettait à chanter... et l'on entendait dans la voix de cette
Dame la voix pétillante d'une enfant et aussi, en même
temps, le chagrin d'une vie.
Et la façon dont vous avez organisé
le "plateau", les lumières, la musique... c'était
beau, intime et...emprunt de beaucoup de respect et de... je ne sais
pas le mot. "
Amélie
" La Commémoration des
camps d'internement de gens du voyage sous l'occupation (et trop longtemps
aprés) dépassait la signification d'une commémoration
. Il se fait une réactivation des préjugés contre
eux , qualifiés improprement de Roms pour mettre dans la meme
sac toutes les catégories ,avec les Roumains expulsés
. Sarko a agité là un trés vieux ressort ,et des
gens le relancent souterrainement ,genre café du commerce ,peut
etre par Internet ? entre autr'es . Inutile de chercher qui fait ça
,les assos périphériques du FN sont infiltrées
depuis longtemps partout on peut dire n'importe quoi sans etre contredit.
Le Bistrot de l'Histoire a été un beau spectacle historique,
bien bouclé .Le terme de Bistrot impliquerait me semble -il ,
un temps de débat . Mais le caractère fortement émouvant
des témoignages présentés ne favorisait pas l'expression
spontanée .
Je tiens à souligner l'intéret du montage qui a été
présenté .Démonstration d'Histoire en train de
s élaborer, alors qu'il n'y a presque plus de témoins
directs .Normalement et presque par définition ,l'Histoire s'écrit
à partir de textes, que l'on recueille , que l'on situe dans
leur temps et leur contexte , qu'on rassemble et compare pour évaluer
leur véracité et leur valeur documentaire . Ici il n'y
a guère que quelques courriers administratifs , des ordres et
des rapports d'exécution ;trés peu de memoires déjà
rédigés par des érudits locaux . Pour le concret
,quelques vieilles photos ,de lieux détruits sauf les batiments
anciens réquisitionnés à l'epoque . Les temoignages
oraux que les techniques du 20°s auraient permis de rassembler ,
sont enfouis sous la souffrance , des décés précoces
, une culture qui ne favorise pas l'évocation d'un passé
familial trop dur . Quelques uns parviennent à raconter , encore
fallait-il les trouver pour ls solliciter . Les jeunes chercheurs participants
à cette présentation ont encore du travail à faire
.
La comparaison avec les Centres de Rétention actuels s'imposait
,sachant que comparer n'est pas déclarer identique . Ces camps
pour "nomades" n'étaient pas des comps de la mort ;pourtant
il est rapporté que vieillards et enfants y sont morts, de maladie
et de sous-alimentation ,communément . Dans les Centres de Rétention
les suicides ne sont pas rares ,mais on peut y mourir de maladie . Il
s'y trouve des enfants de tous ages , alors que la loi interdit d'incarcérer
des moins de 13ans : c'est par humanité que l'on enferme les
petits enfants avec leurs parents , et qu'on les expulse ensemble meme
si des enfants sont nés en France ( ce qui ne les rend pas français,
rappelons le) . On a insisté sur le "carnet anthropométrique
" humiliant et grotesque ,avec les empreintes des deux mains ,imposé
aux nomades dans les années 40 et encore longtemps ensuite .Aujourdhui
les étrangers dés leur arrivée en France, ou dans
un pays d'Europe , sont obligés de poser dans des appareils qui
les mémorisent et les comparent , l'empreinte de leurs mains
entières ;et on a failli leur demander leur empreinte ADN, le
scandale et la difficulté technique y ont fait renoncer ;le but
est semblable : controler les déplacements de personnes qu'on
considère a priori comme délinquants ou fraudeurs "
t .
Nicole
...
Je souhaite vous dire que j'ai beaucoup
apprécié d'être présente hier à PLénée
Jugon. Ce fût un moment symbolique très fort, très
dense et la force du témoignage de Monique et Bernadette est
un très beau cadeau à l'humanité, à l'humanisme,
à nous tous personnes humaines.
Merci à tous ceux qui ont mis
de la belle énergie pour faire que ce moment soit un moment essentiel
de la vie de nos amis " Les gens du voyage " et une reconnaissance
pleine et entière de ce que leurs familles, amis, ... , ont vécu
pendant la guerre 39 - 45, ...
Ce fût un moment essentiel de
notre vie de l'entendre, de le vivre, de le reconnaître, de soulever
la chappe de silence et de souffrances qu'ils ont portées et
tues depuis si longtemps.
Leur permettre enfin de poursuivre leur chemin de vie,apaisés,
avec leurs différences, leurs si belles richesses complémentaires,
de faire leur choix, de faire vivre leur culture, comme chaque être
humain que nous sommes avons le droit ...
Merci au père de Gino et à
ses amis d'avoir su apaiser ces moments d'émotions très
forts et d'avoir partagé avec nous leur culture pleine de belles
ouvertures, de gaieté, de légèreté et de
gravité aussi.
Merci à vous tous.
Marie Annick Guillou
P.S. Je pense à ma grand - mère
petite fille qui me racontait que lorsqu'elle était à
l'école ... elle recevait des coups de règles sur la tête,
sur le corps,elle était punie, baillonnée ... lorsqu'elle
parlait le breton ... Elle ne savait parler que le breton !!!! Elle
avait 6 - 7 ans.
Oui effectivement, nous avons à
être plus que vigilants pour nos Amis les Gens du voyage et nous
engager pleinement pour tout acte ne respectant pas la Dignité
Humaine, les Droits de l'Homme.
Chaque personne humaine a le droit
d' être respecté, le droit de vivre pleinement ses différences,
sa culture, ses choix de vie sans discrimination AUCUNE !!!
...